Certains s’interrogeaient sur l’évolutivité phylogénétique de cette fonction sensorielle : «Le passage de l’ère macrosmatique à celle microsmatique n’opèrerait-elle plus pour la survie de l’espèce humaine ? ».

Une « mise au point récente » nous rappelait « son rôle essentiel dans la vie de tous les jours, mais basique, n’atteignant pratiquement pas le cortex ».

Pourtant d’autres ont récemment répondu par la découverte de surprenantes performances pour cette sensorialité.

Quoiqu’il en soit, chez les sujets âgés, la perte olfactive physiologique avec le temps, ainsi que de nombreux troubles olfactifs, sont décrits dans de très nombreuses publications scientifiques. Certaines pathologies neuro-dégénératives, comme les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer, s’accompagnent de troubles très précoces de l’olfaction, tout en sachant qu’il n’existe pas d’explication actuelle à la relation observée entre « troubles olfactifs et lésions anatomopathologiques » dans le cadre de ces affections. En dehors du contexte pathologique très varié dans cette tranche d’âge, l’altération de cette fonction physiologique lui semble inéluctable, malgré la spécificité des cellules sensorielles olfactives à être les seules directement exposées à l’environnement extérieur et les seules à être régulièrement remplacées au cours de la vie par le phénomène de neurogénèse. Cet organe sensoriel bénéficie ainsi d’une haute performance de restauration qui devrait le protéger du vieillissement.

La perte olfactive semble précéder, dans de nombreux cas, une atteinte devenue cliniquement visible. La constatation de tels troubles pourrait permettre la mise en œuvre de traitements de manière plus précoce. Dans cette optique, un test standardisé simple permettrait le dépistage des capacités olfactives dont les perturbations pourraient être intégrées dans les arguments du diagnostic positif ou différentiel de nombreuses pathologies voire de leur suivi.

Dépister de manière simple les troubles olfactifs permettrait de proposer leur réadaptation.

Cette proposition à moyen terme interpelle le clinicien quant à la sensibilité et la spécificité des tests utilisés pour étudier l’olfaction, et la faisabilité de telles mesures en routine. En effet, seuls quelques centres très spécialisés en France réalisent un examen olfactométrique, comparés aux nombreux Taste and Smell Centers outre-Atlantique.

L’objectif du travail réalisé par Bernard CHARLES, Valérie ALAJOUANINE et Jean TAILLANDIER était de définir la faisabilité d’un dépistage des troubles de l’olfaction, par un test standardisé simple, dans la pratique de routine d’un service de gériatrie. L’objectif secondaire était, dans une optique descriptive, de faire état des troubles observés dans cette population.

Pour cela, 50 patients de plus de 75 ans, hospitalisés dans un service de Gérontologie clinique (AIGU, SSR, SLD) pour diverses pathologies aiguës ou chroniques, ont été observés de manière prospective après tirage au sort aléatoire.

Les résultats de cette étude montrent que le test a été bien accepté, et a pu se passer dans de bonnes conditions de compréhension, d’enregistrement et de réponse. L’odorat global était considéré comme bon dans 6% des cas ; moyen dans 42% ; très moyen pour 52% ; il n’y avait aucun anosmique. De 46 à 72% des substances odorantes ont été reconnues. Tous les patients présentaient une diminution de l’acuité olfactive, avec parfois discordances de reconnaissance au sein d’une même classe olfactive de substances (anosmies sélectives).

Il est montré que l’olfaction joue un rôle fondamental, en particulier dans la capacité à s’alimenter (choix des saveurs et appétence). Cette étude confirme l’existence de troubles de l’olfaction très fréquents chez les personnes âgées porteuses de polypathologies, et l’intérêt qu’il y aurait à effectuer un tel dépistage, au moyen d’un test simple et peu coûteux, pour proposer une rééducation par stimulation olfactive

En conclusion, ces données plaident pour l’instauration d’un dépistage systématique des troubles olfactifs, et de la stimulation olfactive, adaptative ou « réparatrice » si possible.

Les troubles de l’identification et de la discrimination olfactive chez les sujets âgés de plus de 75 ans sont liés à des mécanismes multiples et intriqués (vieillissement, exposition professionnelle et/ou domestique, pathologies, thérapeutiques médicamenteuses…).

Des possibilités réparatrices importantes du système olfactif ont été mises en évidence par la neurobiologie et l’imagerie fonctionnelle. Les capacités intrinsèques du « système olfactif » laissent supposer que sa restauration et son adaptabilité dynamique permettent un niveau de réponse non négligeable. Il est possible d’apporter des compensations physiologiques qui ne demandent qu’à être utilisées par l’individu et éventuellement stabilisées dans certaines pathologies par des thérapeutiques spécifiques. Cela est possible grâce à une activité de «réinitialisation olfactive» aux termes d’initiatives personnelles, familiales ou de l’entourage soignant ; il s’agit de ne pas imposer ou se laisser imposer un environnement « olfactif » trop réducteur et/ou aseptisé. Il est également possible de proposer un réapprentissage olfactif. Le champ des possibilités restantes semble immense et ne demande qu’à être exploité, même en cas de pathologies avérées, dont celles neuro-dégénératives, qui pourraient bénéficier déjà de nos thérapeutiques médicamenteuses retardatrices actuelles sachant que les voies et schémas d’intégration olfactives ne sont pas tous connus.